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Diner-Conférence de M. Pierre Vimont, Ambassadeur de France

Jeudi, 28 janvier, 2016 - 19:30

Pierre VIMONT, Ambassadeur de France, a brillamment exposé sa vision de l' « l’Action extérieure de l’Union Européenne face aux nouvelles Menaces » lors d'un diner conférence qui s'est tenu le jeudi 28 janvier 2016
Représentant permanent de la France auprès de l’Union Européenne de 1999 à 2002, Pierre VIMONT, Commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur, a ensuite dirigé les cabinets de trois Ministres des Affaires étrangères jusqu’en 2007 (si vous avez vu le film « quai d’ORSAY », l’acteur Niels ARESTRUP joue le rôle de P. VIMONT lorsque celui-ci dirigeait le cabinet de Dominique de VILLEPIN). Il fut ensuite nommé Ambassadeur de France auprès des Etats-Unis jusqu’en 2010. Entre fin 2010 et début 2015, il devient secrétaire général exécutif du Service européen pour l’action extérieure.
Depuis juin 2015, il est l’envoyé personnel du président  TUSK pour le sommet de La Valette sur les migrations. Il est Associé Sénior de Carnégie Europe à Bruxelles.
Pierre VIMONT est donc particulièrement qualifié pour nous parler des grands défis que doit surmonter l’Europe aujourd’hui et pour répondre à toutes vos questions sur l’état du monde.
Le diner-débat s'est tenu au restaurant Le Sud situé 91 boulevard Gouvion Saint-Cyr - 750017 PARIS (A proximité du Palais des Congrès de la Porte Maillot)
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Mireille MUSSO du Comité Ancelle nous a fait un court compte rendu de la conférence.

L’Union Européenne n’a pas de politique étrangère !

La Commission poursuit ses propres objectifs, notamment dans le domaine économique. La bureaucratie européenne n’a pas de vision politique des pays avec lesquels elle entretient des relations, ni de vision géostratégique globale. Les Etats membres et la Commission ne travaillent pas ensemble.
          La crise ukrainienne est un exemple des erreurs dramatiques de la Commission. Son acharnement à vouloir faire signer par l’Ukraine un accord de coopération pour lequel l’Ukraine n’était nullement prête, qui suscitait beaucoup de divergences et d’oppositions dans le pays et ne tenait pas compte des intérêts de la Russie (avec laquelle l’Ukraine fait l’essentiel de ses échanges), ont entrainé la déstabilisation de l’Ukraine et une crise profonde en Europe. Cette situation a démontré qu’en temps de crise, l’Union Européenne est faible, lente et divisée. Il est quasiment impossible d’obtenir à 28 des décisions rapides et cohérentes. Il en est de même, face aux problèmes de terrorisme, d’immigration illégale et des conflits en Syrie, au Yémen ou en Libye.
          Les difficultés internes de beaucoup de pays de l’Union Européenne mettent à mal la solidarité européenne et le modèle européen. Pourtant l’UE, pour 7% de la population mondiale, représente 20 % de la production et 50 % des dépenses sociales du monde.
         Les avancées obtenues sur certains dossiers relèvent exclusivement des actions bilatérales de certains pays : Allemagne et France sur l’Ukraine (quoique tardivement, les autorités françaises ne s’intéressant guère à cette région) ; la France et l’Italie cherchant des solutions pour la Libye, ou la France quasiment seule en Afrique (Mali, Sahel).

L’UE n’a pas été capable de prévoir que l’éclatement de l’URSS et l’émergence de nouveaux partenaires importants allait instaurer un nouvel ordre mondial. Il n’est pas sûr que l’Occident et, particulièrement l’UE, retrouve une position prééminente.

Les relations de l’UE avec les Etats-Unis doivent être clarifiées : l’UE partenaire ou vassale ? Les ¾ des pays de l’UE se satisfont de leur dépendance économique mais surtout militaire à l’égard des Etats-Unis, qui ne témoignent guère de considération pour les intérêts européens. « L’Europe puissance », longtemps chère aux responsables français, est une notion peu partagée en Europe, et les Américains proclament ouvertement que le « traité transatlantique » en cours de secrètes négociations, sera « le bras économique » de l’OTAN !!
              Cette situation ne facilite pas la reprise de relations correctes – indispensables – avec la Russie, qui est de retour sur  la scène internationale, et qui – comme les Etats-Unis- a son propre agenda, ces deux pays gérant quasiment seuls les grands dossiers internationaux ? La confiance sera difficile à rétablir avec la Russie, qui depuis l’entrée concomitante des pays d’Europe centrale dans l’UE et l’OTAN, ne voit plus l’UE que comme le bras « civil » de l’OTAN et est devenue très méfiante à son égard.
L’UE doit faire face à de nombreux défis : les conséquences des migrations qu’elle est seule en Occident à subir, l’islamisme radical, le climat, les nouvelles technologies, une mondialisation mal maîtrisée…..Elle doit d’autant plus défendre ses intérêts avec constance et fermeté que la tendance dans le monde n’est pas à l’ouverture, ni chez les pays émergents, ni au Japon, en Corée du Sud ou en Australie.

                  Le plus grave est l’absence de contrôle des frontières de l’UE : depuis longtemps les moyens sont dramatiquement insuffisants et la volonté politique absente – ce qui rend toute gestion efficace impossible. Pourtant, derrière le flux des réfugiés politiques, il y a un flux de réfugiés économiques qui ne fera qu’augmenter (la population de l’Afrique doublera d’ici 50 ans : 2 milliards d’habitants). Nos hommes politiques évitent le sujet et refusent aussi de considérer la problématique de l’intégration des migrants dans nos sociétés, alors même qu’il y a des divergences fondamentales entre les pays de l’Union sur ce sujet.
                  Il est urgent que les dirigeants de l’UE et la Commission se mettent impérativement à travailler ensemble pour trouver des solutions. L’UE reste attractive pout de nombreux pays qui recherchent des accords d’associations et les crises qu’elle a surmontées lui ont toujours permis d’avancer.

                  Mais les pays de l’UE ne disposent pas actuellement de leaders de haut niveau et il n’y a pas de débats de fond, ni de décisions importantes et efficaces à 28. Il faudrait recréer un noyau dur de 7 à 8 pays capables de prendre des initiatives fortes et courageuses et de les faire appliquer, pour répondre enfin aux angoisses des citoyens des pays de l’Union.

Après ce brillant exposé, l’Ambassadeur VIMONT a répondu à quelques questions en soulignant notamment que les mouvements migratoires entre pays africains et ceux du proche et moyen Orient sont beaucoup plus importants que les flux en direction de l’Europe. Il a également brièvement décrit le nouveau service extérieur de l’UE, destiné à rapprocher les visions des diplomates des pays membres et des fonctionnaires de la Commission, dans leurs fonctions à la tête des Missions de l’UE dans les divers pays du monde.