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Nathalie Levasseur Bouquet : Contre le terrorisme, nos lois sont une arme mais il faut le courage de s'en servir

ARTICLE PARU DANS L'HUFFINGTONPOST du 10/11/2020
 

Contre le terrorisme, nos lois sont une arme mais il faut le courage de s'en servir

Plus qu’une défaillance de nos lois, il y a une défaillance dans leur application : l’autorité de la loi ne s’exerce pas sur l’ensemble du territoire français.
 

Par Nathalie Levasseur Bouquet Avocate au barreau de Paris, ex secrétaire nationale de l'UMP chargée de la justice (2002-2005) et Carine Chaix Avocate au barreau de Paris en droit public et droit pénal de la sphère publique

 

La France a été à nouveau attaquée. Samuel Paty, Nice, les attentats se succèdent. La guerre est engagée dans les tranchées de la Nation, et ce depuis de nombreuses années.  

À chaque nouvelle attaque ou presque, on promet de nouvelles lois plus sévères censées répondre au péril islamiste. Mais plus qu’une défaillance de nos lois, il y a une défaillance dans leur application. 

Avocats, nous pouvons rappeler que si l’arsenal législatif et constitutionnel doit certes être adapté et musclé, il permet déjà, en l’état, mais à condition d’être activé, de lutter contre les dérives communautaires et islamistes.  

Dans nombre de situations, il aurait été possible d’agir pour faire barrage au pire, dès les premiers signaux. 

La loi est une arme. Pourquoi s’en priver? Que ce soit par crainte d’une certaine opinion, des juridictions, des communautés, ou par simple calcul électoral, l’autorité de la loi ne s’exerce pas sur l’ensemble du territoire français.  

Les lois de la République ne demandent pourtant qu’à être appliquées. Appliquées à ceux qui répandent la haine et arment idéologiquement les assassins, comme à ceux qui tuent, ou qui se radicalisent avant de tuer. 

Il y a de nombreux leviers à disposition notamment des élus qui voudraient agir avant l’explosion de la traînée de poudre islamiste.
Ne plus tolérer les comportements intégristes, à l’école, à l’université, sur le lieu de travail, dans l’espace public, sur le net, suppose avant tout une volonté de faire respecter l’autorité et le Droit, d’appliquer la loi en répondant aux besoins de sécurité et de protection. 

Pour peu que la volonté soit enfin réellement là, et que les moyens suivent, l’institution judiciaire dans son ensemble a un rôle central à jouer dans la lutte contre l’islamisme.  
Ainsi, le délit d’incitation à la haine, et/ou, lorsqu’il ne peut être caractérisé au regard de sa définition, le délit de harcèlement moral, réprimé par l’article 222-33-2-2 du Code pénal, permet de poursuivre les auteurs de propos véhéments, de pressions ou de menaces à l’encontre d’une ou plusieurs personnes.
 
De même, le délit d’entrave à la liberté d’expression prévu à l’article 431-1 du Code pénal est un autre fondement sur lequel de nombreux intégristes auraient pu ou pourraient être mis en cause, et nous pensons ici notamment à ceux qui se sont déchaînés contre Samuel Paty. 

Au niveau local, à partir d’un diagnostic de terrain précis, il y a de nombreux leviers à disposition notamment des élus qui voudraient agir avant l’explosion de la traînée de poudre islamiste.

Rappelons qu’il est notamment possible d’interdire les réunions quand il y a un risque avéré que soient tenus des propos pénalement répréhensibles, ou encore, qu’une association dont l’activité serait contraire aux lois, ou l’objet contraire aux bonnes mœurs, peut être dissoute par le juge à la requête de “tout intéressé”, et donc, évidemment, des élus. 

On peut ajouter à ce constat le fait que l’écosystème islamiste est parfois entretenu par des subventions municipales, ce que le droit réprouve lorsque l’association est le paravent d’activités intégristes ou lorsqu’en réalité, aucun intérêt public communal ne justifie l’allocation de ressources. 

Face à un islamisme qui entend substituer ses propres lois aux lois de la République, l’infraction d’intelligence avec l’ennemi, même si elle est très strictement définie, pourrait également servir, dans certains cas, à des poursuites. 

À l’école, à l’Université, quand la pression islamiste aboutit à faire taire l’expression républicaine -on pense à Sylviane Agacinski interdite d’expression, ou au séminaire sur la radicalisation à la Sorbonne déprogrammé–, ce n’est pas à cause de la loi, mais en raison du déclin du courage. Et nous devrions nous souvenir qu’“il n’est point de liberté sans courage” (Périclès). 

Enfin, les lois sur l’immigration méritent une application bien plus rigoureuse. Qu’il s’agisse, en amont, de la vérification stricte des critères qui donnent accès à la qualité de réfugié, ainsi que de l’assimilation pour certains cas d’accès à la nationalité, ou encore de l’appréciation réelle des capacités d’intégration pour les cartes de résident et, en aval, de l’exécution des mesures d’éloignement du territoire, qui aurait notamment permis d’éviter les attentats en 2017 contre Laura et Mauranne à Marseille. 
Quant à la Constitution, l’état d’urgence permet d’adapter la réponse politique et pénale à la situation, avant qu’il ne faille, si ces remparts ne sont pas suffisants, en venir à l’état de siège. 

Selon un récent sondage Ifop pour Charlie Hebdo, les trois quart des musulmans de 18 à 25 ans vivant en France font passer leurs convictions religieuses avant les lois de la République, et 45% des jeunes musulmans pensent que l’islam est incompatible avec les valeurs de la société française. C’est donc également la  survie de notre civilisation qui est en jeu et c’est à l’aune de cette réalité que les ressources du droit doivent être utilisées. Utilisées par tous, politiques, fonctionnaires, juges, avocats, citoyens.  
 
Le Président de la République avait appelé à une société de vigilance, il est temps d’en appeler à une République vigilante.